Le Prince Egorov : le poète parle.

Publié le par LANSAC

Yuri Egorov.
Yuri Egorov.

Je ne vois pas d'autre mot pour dire la ferveur que suscitait le pianiste Yuri Egorov, droit devant son piano, la tête fléchie vers le clavier. Il avait attaqué cette ballade de Chopin avec une clarté propice au voyage poétique. Ses mains disaient avec une infinie grâce le mystère de ce thème qui ouvre la pièce et la surprise

de son retour après de magiques détours. Il avait suffi de quelques notes pour captiver le public assis dans la chapelle du cloître des Jacobins de Toulouse en ce soir de septembre 1985...

Une sonate de Scarlatti avait dégourdi ses doigts au début du récital. Il sortait de son extrême concentration pour charmer l'auditoire de son sourire angélique. Rejetant en arrière ses cheveux en broussaille, il repartait dans un Carnaval de Schumann dont il savait, par des inflexions subtiles de doigté, faire sentir toute la saveur. Il enchainait les pièces aux tonalités si chantantes, du rythme endiablé des marches de Davidsbündler au savant dialogue de Colombine. Le point d'orgue fût son interprétation de la pièce nommée " Chopin ". Il égrena ses notes perlées en magicien, réincarnant le jeu " rubato " du poète du clavier. L'accord final plein de mystère devint arc en ciel sonore.

Toujours ce sourire chaleureux en saluant le public sous le charme, à la fin de son interprétation du Carnaval. Il paraissait presque timide dans son frac. Presque gêné de l' accueil si enthousiaste que sa musique avait fait naître.

Je n'ai pas le souvenir d'un jeu aussi concis, un toucher aussi moelleux, une telle rigueur d'exécution. Ce soir là un ange passait aux Jacobins.

Il allait mourir du sida trois ans plus tard.

Yuri Egorov.
Yuri Egorov.

Yuri Egorov.

Publié dans Le Prince Egorov.

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