Les " pousse-pieds " de l'Ourique .

Publié le par LANSAC

Percebes." pousse-pieds "
Percebes." pousse-pieds "

" Vraiment délicieux ces coquillages ! Tu sais comment on les appelle ici au Portugal ? "

- A vrai dire, je n'en sais rien, Antonio. Je croie qu'en Bretagne on les pêche aussi. J'ignore leur nom.

- Percebes . Pousse- pied en français je crois.

Nous étions attablés au marché de l'Ourique, juchés sur des tabourets, à de hautes tables en bois. Une belle animation en ce vendredi soir, le nouveau marché, ouvert au printemps dernier était quasi-complet. Mon ami Antonio était de passage à Lisbonne, retour d'une tournée éprouvante. Accompagner une chanteuse comme Mariza, c'est un vrai métier, suivant l'expression très tendance. Et ses tournées, devant un public enthousiaste se terminent tard. Très tard.

- C'est bien bon ces " mariscos " ( coquillages en portugais ) dis-je. Et ils portent un joli nom aussi.

-C'est un péché mignon, ici au Portugal. Même les espagnols en sont friands . Ils nous en achétent d'énormes quantités.

Le marché s'animait, l'apéritif coulait dans les verres, le marché devenait plus bruyant.

- Dis-moi, Antonio si tu me parlais un peu du fado. J'ai lu récemment un article dans le " Diaro de Noticias ". On ferait remonter l'origine de son nom au mot arabe Hado qui exprime l'idée d'une destinée, d'une sorte de prédestination.

- C'est une des thèses actuelles. L'origine de " fatum " est plus contestée. Pourtant ces notions sont voisines. Cinq siècles de cohabitation avec la civilisation arabe, cela laisse forcément des traces.

- De toutes façon, le fado a des origines multiples. Ce qui est sûr, cela est à l'origine, le moyen de s'exprimer face au tragique de l'existence, aux contraintes du quotidien.
-Oui, et c'est, à l'origine, un chant de marins partant à l'aventure, face à une mer violente et souvent hostile ; ça les aidait à supporter des conditions difficiles.

- C'est un chant de révolte et d'une certaine résignation en quelque sorte.

- C'est ça . Cela a longtemps été un chant de gens pauvres ; s' y disait ce qu'on ne pouvait pas dire dans le quotidien.


-Tu veux parler de cette absurde censure salazariste ?

- La situation dans cette longue nuit était absurde. Les chanteurs devaient faire soumettre leurs textes de chansons à un comité de lecture, tu vois dans quel état le fado pouvait se trouver à ce moment là.

- Oui... On a beaucoup reproché à Amalia Rodrigués de s'accommoder de cette dictature ?

- Ce n'est pas si simple : elle a maintenu le flambeau d'un fado plus traditionnel, classique en quelque sorte. Elle pensait que son rôle était de chanter avant tout. Sans doute elle a sauvé le fado grâce à sa notoriété internationale. Elle l'a beaucoup fait valoir. Et dans le monde entier.
-C'est sûr. D'ailleurs les chanteurs actuels lui vouent un véritable culte malgré ces ombres du passé.

- D'Ana Moura à Mariza, la jeune génération se remet à chanter ses fados. Et c'est bien ainsi. D'ailleurs après la révolution du 25 avril, Mario Soares lui a rendu hommage publiquement.

On l'aurait écouté pendant des heures. Il savait tout : de l'accord des belles guitares portugaises à 12 cordes, les arrangements musicaux, des jeunes chanteurs encore inconnus. Et il me dit tout des tournées à venir. A donner le vertige.

_ Il se fait tard Antonio ; je vois que tu tombes de fatigue. Il serait plus sage de rentrer, ne crois-tu pas ?

Le taxi dépassa la cathédrale d'Estrella dont la belle silhouette se détachait dans la nuit à présent venue. Il me déposa après de chaleureuses effusions. Nous nous reverrions bientôt. Il avait connaissance de chanteurs amateurs dans le quartier de Graça. Regagnant mon appartement, j'y pensais, me délectant par avance.
Lui, filait vers Santa Apolonia.

Pessoa s'invite chez le dilettante . Partie 7.

Marché du Campo de Ourique.

Marché du Campo de Ourique.

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