Stendhal à Florence.

Publié le par LANSAC

San Miniato al Monte. Florence.
San Miniato al Monte. Florence.

Le ballet des rayons du soleil pénétrait dans l'église du haut des murs, par les fenêtres. Au début une fenêtre s'illumina, puis le spectacle devint plus complexe, fascinant ...

Un faisceau lumineux vint éclairer soudain le visage d'une femme, debout au fond de l'église. Je pus détailler discrètement les traits de son visage : les yeux étaient d'un bleu clair, ils semblaient posés sur son visage ; son maintien, la pureté de ligne de son nez , de ses lèvres... je réfléchis un moment et l'image s'imposa doucement à moi ; je me rappelai : c'était le visage d'une " femme à la toilette de Giovani Bellini " qui m'avait séduit : oui, c'était bien le tableau du Kunsthistorisches Museum de Vienne. Sa beauté associée à une belle énergie qui rayonnait d'elle ; je la surnommai " la Norma " en souvenir de cette cantatrice du San Carlo...

En revenant à mon hôtel à deux pas du Ponte Vecchio, je repensai à cette inconnue. Je cherchai quel autre tableau de Bellini elle m' évoquait.

Bellini Giovani. Femme à sa toilette.1515. KHM Vienne.

Bellini Giovani. Femme à sa toilette.1515. KHM Vienne.

Le lendemain je filai  tôt avant que la foule de touristes n'envahisse la ville. J'allais revoir l' Eglise Santa Maria Novella. Le travail de l'architecte Alberti me laisse admiratif : cette perfection d'incrustation de marbre vert et blanc exerce un puissant effet sur l'imagination du visiteur. A l'intérieur, beaucoup d'oeuvres de premier plan dont le rétable d'Orcagna dans la chapelle Strozzi.

 " La Trinité " de Masaccio gardait son pouvoir  sur moi et me rappelait " la  Crucifixion " du Musée napolitain de Capodimonte.

Santa Maria Novella. Florence. Retable d'Orcagna 1354. Masaccio. La Trinité.1425/28. Fresque.
Santa Maria Novella. Florence. Retable d'Orcagna 1354. Masaccio. La Trinité.1425/28. Fresque.
Santa Maria Novella. Florence. Retable d'Orcagna 1354. Masaccio. La Trinité.1425/28. Fresque.

Santa Maria Novella. Florence. Retable d'Orcagna 1354. Masaccio. La Trinité.1425/28. Fresque.

Le soir à l'hôtel, je repensai à cette femme inconnue : bien sûr, cet autre tableau de Bellini, c'est celui de  "la Vierge et l'Enfant aux deux arbres " du Musée vénitien de l'Accademia. Je l'avais vu à plusieurs occasions, le regard méditatif de la Vierge m'avait frappé ;  l'Enfant est d'un naturel  confondant. La Madone a un air recueilli qui l'apparente encore  à l'art byzantin, influence majeure de l'art vénitien. Les deux arbres finement dessinés accentuent le côté aérien du tableau. Le fond doré évoque la technique des icônes byzantines. Il se dégage de ce tableau une grande sérénité recueillie.

Madonne des deux arbres. 1487. Giovanni Bellini. Musée de l'Académie. Venise.

Madonne des deux arbres. 1487. Giovanni Bellini. Musée de l'Académie. Venise.

Le lendemain, j'avais pris rendez-vous pour visiter la musée des Offices. La succession des merveilles exposées donne le vertige. Les premières salles, en particulier celle des peintres  du trecento toscan, m'ont particulièrement touché. Notamment, l'évolution, la révolution devrait- on dire, de l'apport de Giotto quand on compare  sa "Vierge à l'enfant " avec celle de Cimabue.

Vierge et l'enfant. Giotto di Bondone.1310. Musée des Offices. Florence. Cimabue. Maesta.1270. Offices.
Vierge et l'enfant. Giotto di Bondone.1310. Musée des Offices. Florence. Cimabue. Maesta.1270. Offices.

Vierge et l'enfant. Giotto di Bondone.1310. Musée des Offices. Florence. Cimabue. Maesta.1270. Offices.

 Dans une autre salle, au pied d'un tableau de Titien, une jeune femme attira mon attention. L'ovale de son visage, son air rêveur, la coquetterie que l'on devinait chez elle, me firent penser à un tableau que j'avais vu récemment au Musée du  Louvre. Du même Titien : La femme au miroir.

Femme  au miroir. 1515. Titien. Musée du Louvre.

Femme au miroir. 1515. Titien. Musée du Louvre.

 

Ce  beau portrait d'une jeune femme à la toilette appartient aux premières oeuvres du Titien ;  l'influence de Giorgione, son maître, est visible. Le cadrage bas est une caractéristique du Maître. La belle  ne se soucie pas de son amant, elle se regarde attentivement dans les deux miroirs qu'il lui tend. On pourrait considérer le miroir  comme un "rival" de l'homme. On pense au poème de Pétrarque sur ce théme intitulé " Mon ennemi ". Comme souvent chez Titien, l'ombre est éclairée par les couleurs chaudes ( ici vêtements de l'amant). La palette des gris est caractéritique de la peinture vénitienne. 

J'essayais de ne pas regarder  fixement la dame, mon regard oscillait entre elle et le tableau sur le mur. L'heure avançait,  je me faufilai dans la salle des Caravage...

 

La visite des Offices a été harassante : beaucoup de monde ; de plus, la beauté des toiles présentées, leur nombre produisent une fatigue bien particulière. La nuit, je dormis mal, fis des rêves complexes. Au réveil je réfléchis, inquiet de l'état d'exaltation où je me trouvais depuis le début de ma visite à Florence. Je compris soudain : moi aussi j'avais succombé au " syndrome de Stendhal ".


 

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