Lena à Paris.

Jardin du Luxembourg. Paris. Lac Mälar. Stockholm. Suède.

Le petit voilier prenait le vent et filait : l'enfant se réjouissait que son bateau aille si vite. Sur le bassin du Jardin du Luxembourg, en ce dimanche de mai, c'était fête pour les amoureux de ces maquettes de bateaux. Les voiles multicolores régataient dans la tiédeur du printemps revenu. Assis sur mon banc, j'essayais de lire le journal ; sans cesse mon regard était attiré par ces enfants qui jouaient avec tant de vivacité et de grâce.

- Désolée, j'ai pris du retard. Mon taxi était bloqué longtemps par une manifestation place de la Bastille.   

Lena en retard, c'est toujours un événement. 

- Je suis passée dans une librairie en faisant les magasins : regarde.

Elle me tendit un exemplaire de  Béatrix de Balzac. Un de mes romans préférés : la Bretagne vue par Balzac. Léna se tourna vers moi :

- Je l'ai mis au programme de fin d'étude cette année. Les lycéens aiment. La littérature française est trés prisée en Suéde. Je trouve que la traduction de ce roman est moins précise.

  Lena dit :          - Tu te souviens de cette journée passée sur le lac Mälar il y a deux ans ?

Lors de notre séjour en Suède, avec son frère et sa soeur nous avions entrepris de visiter cette réserve naturelle et ses îles environnantes, proches d un quartier excentré de Stockholm. Une journée de rêve par temps clair....

Les fleurs de sa jupe éclairaient le jour, la grâce de son pas, une danseuse déroulant une arabesque dans ce jardin du Luxembourg. Nous prîmes la rue Vavin puis la rue Bréa, plus ombragée.
Arrivés à l'angle du Boulevard Raspail, la statue parut en pleine lumière.

Balzac, par Rodin. Le forçat de la littérature. Du verbe. De cette comédie humaine, tragique aussi.

Balzac de Rodin.

La puissance expressive de l'ouvrage te saisissait. Tu t' étais arrêtée, le souffle court.

- Tu sais, cette statue a une longue histoire. Ses admirateurs ont eu du mal à la faire ériger ; ce fut une bataille épique qui prit l'ampleur de celle de l'affaire Dreyfus, Je te raconterai un jour...

Je l'avais découverte par hasard, puis, un jour, elle fit son apparition dans " La nuit américaine " de Truffaut. Je n ai jamais oublié ce passage et l'amour porté à Balzac par Truffaut.

Quelques minutes plus tard, nous étions attablés a la Brasserie de la Coupole. Nous aimions la chaleur de ce bistro et nous avions fait de ce cadre notre point de rencontre pendant tes séjours parisiens. Tu logeais à l'hôtel Richepanse, rue Duphot, derrière la Madeleine. J'avais trouvé un pied à terre rue Vavin, à deux pas.

Je lui avais promis un bon repas, le homard était succulent. Accompagné d un Côtes de Nuits, un régal.

La Coupole. Paris.Montparnasse.

Lena se tourna vers moi et me dit doucement :

- Ma mère a été hospitalisée à Stockholm pour une tumeur du rein, je suis tres inquiète

- Ta soeur travaille toujours a Stockholm dans son cabinet d'avocat ?

Cela  lui faisait beaucoup souci. Nous avions projetté d aller en juin à Upsala, nous irions la voir a l 'hôpital.

Pour se changer les idées je lui proposai de faire un tour au Musée d Orsay.

Le taxi nous déposa au pied du Musée : Lena était ravie.

- Degas est un des mes peintres francais favoris. tres bonne idée:.Ma mère peignait, elle affectionnait le pastel. Tu me combles.

Degas. Toilette. Pastels. Années 1880.

Tu jubilais. L'exposition consacrée aux nus de Degas te mettait dans un état d exaltation et de détente que j avais rarement vus chez toi. 

La grâce t'habitait. Ton pull semblait sorti d'un Degas. La beauté s'invitait à Orsay : je remerciai Degas d une telle transmutation. Les teintes des pastels reflets du beau des jours. Tu me souris : soudain un arc en ciel...

Le bonheur est parfois une promesse de beauté.

La maison de la mère de Lena. Upsala. Suède